L’année 2021 vient de s’achever, et avec elle la première période de 4 ans après l’entrée en vigueur des dispositions de la réforme Macron relative à la représentation du personnel. Certes toutes les entreprises n’ont pas mis en place le nouveau CSE dès janvier 2018 (puisqu’elles avaient jusqu’à fin 2019 pour le faire), mais dans la plupart des cas l’échéance du renouvellement des mandats arrive à grands pas. Souhaitons que ce soit l’occasion, pour les employeurs et les représentants du personnel, de faire conjointement un bilan objectif de cette première période de fonctionnement de l’instance et de l’évolution concomitante du dialogue social.
On devrait idéalement trouver ce bilan conjoint à l’ordre du jour de nombreuses réunions dans les mois à venir… Plusieurs leaders syndicaux, parmi lesquels certains soutenaient peu ou prou les principes de la réforme, se sont déjà exprimés et ne sont guère enthousiastes. Le récent rapport du comité d’évaluation des ordonnances travail dresse lui aussi un bilan mitigé, soulignant les difficultés et le désenchantement des élus.
En qualité d’accompagnateur des relations sociales en entreprise (dont j’ai également été un acteur durant de nombreuses années), je constate qu’une part non négligeable du dispositif rénové, mis à disposition des entreprises, n’a été que très modestement utilisée. En effet, parmi les plus de 80.000 CSE mis en place (la moitié dans des entreprises où établissements de plus de 50 salariés), combien ont donné lieu à une négociation sur les modalités de fonctionnement de l’instance (au-delà du seul protocole préélectoral bien sûr) ? Il n’existe guère de statistiques, mais l’observation suggère qu’on n’a négocié que là où on avait déjà l’habitude de le faire. Et même dans ce cas, les débats ont souvent été focalisés, par instinct ou par habitude, sur les seuls moyens (sièges et heures de délégation en tête), alors que tant d’autres choses étaient aménageables pour coller le mieux possible au contexte et aux besoins à l’échelle de chaque entreprise.
Bien souvent j’ai entendu de la part de responsables RH ou de représentants du personnel que j’interrogeais sur l’existence d’un éventuel accord CSE : « non, on a appliqué les dispositions légales ». Objectivement, cette réponse n’est plus très satisfaisante. Ce que suggère expressément le code dorénavant, c’est de recherche par la négociation les modalités d’un fonctionnement le plus adapté possible à son contexte particulier. Ce n’est qu’à défaut d’un tel accord que s’imposent des dispositions « standard » (les dispositions supplétives). Appliquer le code du travail aujourd’hui, c’est en premier lieu se poser la question de l’opportunité d’une négociation entre partenaires.
La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. Ce qui n’a pas été débattu et adapté jusqu’à présent peut utilement l’être maintenant, à la lumière de l’expérience. Nul n’est condamné à voir son CSE fonctionner durant des décennies sur la base de règles non choisies et/ou mal adaptées. Le fait est que, malgré les efforts (probablement insuffisants) de l’Administration pour communiquer en 2017- 2018 sur le nouveau CSE et le renforcement souhaité du dialogue social de manière générale, beaucoup d’employeurs mais aussi de représentants du personnel n’avaient pas perçu, et n’ont donc pas saisi, les nombreuses opportunités (pourtant longtemps revendiquées) offertes par la nouvelle législation. C’était nouveau c’est compréhensible.
Ce qui le serait moins, c’est que 4 ans plus tard (pour les entreprises qui ont opté pour cette durée « standard » des mandats), on ne se pose pas davantage de questions sur l’adaptation des règles de fonctionnement du CSE et le recours à la négociation collective (y compris dorénavant dans les plus petites entreprises, et les plus grandes lorsqu’elles sont dépourvues de délégué syndical). Là où l’employeur souhaitera encore faire l’économie du débat, et ne pas rechercher d’utiles et raisonnables adaptations des règles de fonctionnement du dialogue social au sein de l’entreprise, et singulièrement du CSE, la légitime recommandation des experts aux élus sera d’exiger à minima le strict respect des dispositions applicables en l’absence d’accord (consultations récurrentes chaque année, alimentation conforme de la BDESE, recours potentiellement dispendieux aux expertises, etc.). À défaut d’une telle exigence, qui ne constitue que l’application du droit, les représentants du personnel aurait une vraie responsabilité dans les dysfonctionnements qu’ils dénoncent parfois. Que pourrait-on attendre de plus de la loi si on n’utilise pas toutes les possibilités qu’elle offre d’ores et déjà ?
C’est le bon moment pour se pencher sur la question et chercher à faire progresser le dialogue social.
Pensez à vous faire accompagner si besoin !
Thierry BEGUIN